13 décembre 2013

  Vétérans du nucléaire. 

 La cour d'appel change la donne

La cour d'appel de Rennes vient de considérer que le lymphome d'un vétéran du Clemenceau était le résultat de son exposition au risque nucléaire. Un arrêt inattendu qui sonne comme une avancée dans le combat des vétérans qui dure, sans résultats, depuis plus de dix ans

 

 

 

Dans un arrêt rendu début décembre, la cour d'appel de Rennes vient d'infirmer un jugement du tribunal des pensions militaires de Brest qui, en 2011, avait refusé une pension d'invalidité à Pierre Marhic, vétéran de la Marine ayant été exposé aux essais nucléaires alors qu'il était à bord du Clemenceau. Au terme de huit ans de procédure, c'est « une victoire » pour celui qui n'a cessé de se battre et préside, aujourd'hui, l'Association nationale des vétérans victimes d'essais nucléaires.

 

Un commissaire du gouvernement désavoué

Il est à noter que le tribunal n'a pas suivi les conclusions du commissaire du gouvernement qui, pourtant, avait repris l'argumentaire du jugement de première instance. À l'époque le magistrat brestois avait estimé « que M. Marhic n'avait pas rapporté la preuve que le porte-avions Clemenceau a été à un moment quelconque exposé à une retombée radioactive et que le lymphome qu'il présente a un caractère radio-induit ». Le commissaire du gouvernement de la cour d'appel a ajouté « que la fonction de M. Marhic, chargé de surveillance radar s'exerçait hors du pont d'envol », lors des missions menées par le Clemenceau entre 1966 et 1969 auprès des atolls polynésiens.

Le poids du témoignage du pacha

Un argumentaire laminé par l'arrêt rendu par la cour qui s'est servie de diverses pièces pour reconnaître la maladie professionnelle de Pierre Marhic. Il mentionne, notamment, les commentaires de l'amiral Antoine Sanguinetti entendus lors d'une émission de télévision. L'ancien pacha du Clemenceau indiquait alors qu'au moment des essais nucléaires litigieux, les avions qui allaient prendre les mesures et prélever les gaz radioactifs revenaient « plein de merde à savoir de particules contaminées », indique l'arrêt. Par voie de conséquence, la cour admet « que le personnel embarqué même s'il n'avait pas vocation à travailler sur le pont d'envol lors des expérimentations nucléaires se trouvait soumis au risque d'ingestion de particules nocives ».De la même façon, le lymphome dont souffre Pierre Marhic depuis 1998, « admis depuis le décret du 30 avril 2012 dans la liste des maladies radio-induites » rappellent les magistrats, présente « une probabilité suffisante avec son activité professionnelle ». Manière toute juridique d'ouvrir une brèche immense dans un contentieux où les victimes ont toutes les peines du monde à se faire entendre et semblent se battre contre les moulins à vent.« Le commissaire est désavoué, c'est incroyable », se réjouit Pierre Marhic, qui devra attendre la réponse d'un bataillon d'experts pour connaître le montant de sa pension enfin accordée. « À la place du ministère de la Défense, j'arrêterais la procédure qui dure depuis huit ans. Huit ans ! Faut arrêter l'acharnement », espère le requérant. L'État a deux mois pour se pourvoir en cassation.      

                                            Steven Le Roy